Marie Courroy

Aujourd’hui, une interview avec une fille qui parle vrai. Marie Courroy a créé ModeTrotter (le site des looks « streetstyle » où tout est à vendre) car elle ne trouvait rien qui lui correspondait en ligne. Deux ans plus tard, son site a des fans partout dans le monde. Elle s’amuse avec et quand on parcourt les pages, ça se voit !


Quel est ton rôle chez ModeTrotter ?

Je suis la fondatrice et je m’occupe particulièrement des achats et de la direction artistique du site.


Raconte-nous la genèse de ModeTrotter ?

J’ai toujours travaillé dans la mode. Je ne viens pas du tout du web. Je suis passée par les services commerciaux de Vanessa Bruno, Les Prairies de Paris et BA&SH. Les acheteurs me demandaient sans cesse des conseils. Qu’est-ce que tu penses de ça, comment tu le porterais etc. Et je me suis dit que si, même pour les filles dont c’était le boulot, elles avaient du mal à imaginer un article porté, comment quelqu’un de « normal » pourrait y arriver !

L’idée d’un site avec des looks s’est donc imposée à partir de ce constat. Et puis faire des looks, m’adapter à la personnalité des gens, j’ai toujours adoré. Je voyais que les blogs cartonnaient (je parle d’il y a 5 / 6 ans maintenant) donc je me suis dit, commençons par un truc sur internet. (Bon, il faut avouer qu’à ce moment là, je n’avais même pas d’ordinateur perso !). J’ai fait une petite étude très simple qui consistait à regarder ce qui existait déjà. Je trouvais que tout se ressemblait ! Et c’est la où j’ai compris pourquoi moi je n’achetais pas sur internet, car aucune offre ne me correspondait. J’ai décidé que la meilleure réponse était de monter un site avec des marques de créateur que moi j’aimais, qui n’étaient pas forcément hyper diffusées. Et pour les vendre, je me suis fait plaisir en créant des looks pour adapter les vêtements à plein de styles différents.


Tu te souviens du moment où tu t’es dit « il y a des gens qui achètent sur Mode Trotter, peut-être mon idée va marcher ! » ?

Il faut dire que des idées, j’en ai eues des milliards ! Tellement que par moments mes amis me demandaient où j’en étais avec une telle ou une telle idée et je ne me souvenais même pas de quoi ils parlaient ! Mais avec ModeTrotter, je ne sais pas pourquoi, je savais que c’était la bonne. Pas une seule seconde j’ai douté. C’était tellement une évidence pour moi que si je ne trouvais pas mon bonheur sur le Net, ça devait forcément être la même chose pour plein d’autres filles.


Est-ce que tu as toujours vu ModeTrotter en grand ?

Alors, c’est très bizarre parce que je l’ai toujours vu en grand et en petit ! Un jour j’ai lu un article dans le Elle : une journée avec Nathalie Massenet (la fondatrice de Net A Porter, ndlr). Je l’ai lu et j’avais envie de pleurer... Jamais de ma vie je veux avoir des journées comme ça ! Genre je me lève à 6 h, je fais une heure de sport, à 7h je suis au bureau, de 7 à 8 je lis mes mails, de 8 à 9 je suis en RV avec le DAF etc etc. Avec ce genre de journée, j’ai l’impression qu’elle ne s’amuse plus du tout. Et moi, je ne pourrais pas ! Je n’ai pas fait ModeTrotter pour ça. J’ai envie de faire des looks, de faire la direction artistique, de m’amuser !

Alors comme le site à l’air de plaire (et je ne veux pas non plus qu’il vivote pendant des années), j’ai décidé de m’entourer de personnes qui ont des compétences complémentaires pour m’aider à le développer. Parce que je sais que le jour où je ne m’amuserai plus, je préférerais le revendre et laisser ma place à quelqu’un d’autre. On passe tellement de temps à bosser qu’il faut que ce soit un plaisir (rires, "mes investisseurs vont me tuer !").

So...pour revenir à ta question, oui je vois ModeTrotter en grand ! Avec le web, on a le monde entier comme terrain de jeu. J’ai une énorme ambition à l’international. Par exemple, je voudrais avoir des bureaux partout dans le monde pour pouvoir développer les créateurs au niveau local. Mais je veux aussi que l’entreprise reste à taille humaine, avec un service personnalisé, que l’on sache que derrière ce site, il y a quelqu’un.


Qu’est-ce qui te motive, qu’est-ce qui fait que tu te lèves (pas à 6h du mat pour faire du sport...) le matin ?

Ce que j’adore, c’est faire découvrir les nouveaux créateurs. Une française qui achète un sac d’une marque japonaise ou vice versa, c’est génial !

Dès le début, il y avait des gens qui nous suivaient, qui achetaient, on avait des retombées dans la presse, et tout ça me portait et me poussait à aller plus loin. Mais bon, comme ce n’est pas toujours évident, j’ai un dossier qui s’appelle « remonte moral » sur mon ordi. J’ai vachement de gens qui m’envoient des mails hyper sympas. Et ça, ça me fait ma journée !

Et puis le 3ème truc, c’est que maintenant que j’ai des associés dans la boîte, de savoir que ModeTrotter a intéressé des types qui avaient une vraie expérience dans le web, ça me flatte et me pousse encore plus en avant.


Quel est ton conseil pour quelqu’un qui se lance dans une aventure entrepreneuriale aujourd’hui ?

Il ne faut pas avoir peur de se planter. Il faut avancer step by step. Par exemple, j’étais convaincue que je n’allais pas monter ma boîte toute seule. Mais comme je n’avais personne à qui m’associer dans mon entourage, j’ai commencé seule, même si j’étais toujours convaincue que j’allais vite rencontrer quelqu’un. Et puis le jour où j’ai reçu mon numéro de TVA, je me suis rendue compte que j’avais monté ma boîte !

Même si ce prochain commentaire va paraître une évidence, il faut le dire. Il n’y a pas de secret, il faut bosser. En montant ma boîte, je me suis découverte une force de travail que je ne me reconnaissais pas.

Une dernière chose : je dirais aussi qu’il faut s’écouter. Pour moi par exemple, pour être bien au boulot, il faut que je sois bien dans ma vie. J’ai besoin de sommeil, d’un bon petit-déjeuner ! Encore une fois, je ne fais pas partie de ces entrepreneuses qui se lèvent à 5h du matin, qui boivent un jus de citron et qui mangent des graines ! (J’en suis témoin, Marie vient de commander un 2ème tour de tartines au beurre et à la confiture de fraise.)


Est-ce que tu as des mentors ? Est-ce qu’il y a une entrepreneuse que tu admires ?

Sharon de BA&SH (Sharon Crieff, la co-fondatrice, ndlr). Je me suis toujours jurée que le jour où j’étais patronne, je ressemblerais à Sharon Crieff de BA&SH.

Et puis, pour une femme du web que j’admire, il faut avouer que Nathalie Massenet a eu un sacré parcours, même si elle se réveille trop tôt :)


Quels sont tes sites préférés ?

Elle hésite... trop longtemps. Je crains qu’elle va me dire qu’elle n’aime toujours pas le shopping en ligne... Et puis, « J’adore le site d’Opening Ceremony, et celui de La Garçonne ». Phew... Puis elle re-hésite, m’avoue qu’elle ne lit pas de blogs. A part Garance Doré et Lolita Blog. Qu’elle déteste ces blogs de mode où les nanas sont habillées comme des perroquets et se prennent en photo dans leur ascenseur. Que franchement, elle n’a pas le temps pour flâner en ligne. A part éventuellement sur Tendances de Mode, mais qu’elle le lit plus pour la partie business.

Je la repousse gentiment vers la question de ses e-shops préférés et là, grand blanc. Puis un sourire : « Ma garde-robe idéale, elle est chez ModeTrotter ! »


Pas beaucoup de temps libre alors. Quand tu en as, tu aimes faire quoi ?

Je suis une énorme glandeuse. Je suis capable de rester chez moi pendant des heures et des heures. Je ne vois personne. Je dors pour emmagasiner du sommeil pour la semaine à venir ! Non pardon, en bonne entrepreneuse du web, je devrais dire que je n’ai besoin que de 4 heures de sommeil par nuit :)


Qui sont tes créateurs fétiches ?

J’adore Kenzo depuis que Humberto Leon and Carol Lim sont arrivés. J’adore Opening Ceremony. Calla aussi. Heimstone. Bliss Rose. Equipment pour les chemises (qu’on vient de rentrer par ailleurs). TL-180 pour les sacs. Je ne suis pas hyper-luxe mais bon, j’adore Céline et je rêve un jour de posséder une robe Valentino. Même si je ne la porterais jamais ! Si j’avais 3 000 euros, je préférerais partir en vacances avec mes potes.


Last but not least, tu es chic ou geek ?

Tellement pas geek. Oh la la mais tellement pas geek ! Et tellement pas chic non plus ! Je suis ni chic ni geek ! J’ai l’impression que je n’arriverai jamais à être chic. Il y a toujours un truc qui déconne ! Mais je l’assume parfaitement. Et puis geek, je n’essaie même pas. Il faut connaître ses limites et j’ai une limite et dans le geek et dans le chic !