Cécile Roederer, Smallable

On est né entrepreneur ou on le devient ? Cécile Roederer, fondatrice du site pour enfants Smallable, qui fête cette semaine ses 5 ans, nous donne l'impression qu'il s'agit d'une vraie vocation. Elle revient sur les débuts d'une aventure entrepreneuriale qui est tout sauf small !


Quel est ton rôle chez Smallable ?

Je suis la fondatrice et présidente et je m’occupe également de la direction générale.


Raconte-nous ton parcours ?

Ce que j’aime, c’est être entrepreneur. Depuis l’âge de 12 ans, j’ai toujours rêvé de créer ma boite ! J’ai fait des études d’économie et de gestion. Peu de temps après, je suis partie travailler en Angleterre, puis en Inde dans un programme de micro-credit pour aider les femmes à créer leurs business. Mais même si je savais très tôt que je voulais monter ma propre boîte, j’ai toujours pensé qu’il fallait d’abord une grosse expérience professionnelle avec des bases super solides en management, en gestion et en marketing.

C’est par DIM que je suis passée d’abord (où j’ai connu Fanny Moizant – la co-fondatrice de Vestiaire Collective ndlr) avec un parcours classique de chef de produit. Puis Lancel. 3 ans et 4 ans dans chaque boite.

A 30 ans (je crois que l’arrivée de la trentaine joue beaucoup...), j’ai décidé de me lancer. J’avais très envie de monter un concept store. Qui dit concept store dit dénicher et créer un univers. Je trouvais que dans le monde de la femme, il y en avait. Dans le monde physique, il y en avait. Mais dans l’univers de l’enfant, il n’y en avait pas vraiment. Et surtout pas sur le web. Il n’y avait pas de destination shopping, avec une sélection complète (avec la mode ET le design), haut de gamme, pour l’enfant, en ligne.

Il m’a traversé l’esprit à un moment de le faire « physiquement » et puis je me suis dit, non, tu veux dénicher les marques partout dans le monde pour pouvoir les offrir partout dans le monde. Il faut utiliser le web comme plateforme. Donc je me suis plongée dans l’e-commerce, qu’à l’époque je ne connaissais pas trop... J’ai vraiment appris sur le tas. Et j’apprends encore tous les jours ! Mais avant tout, j’ai bien bossé mon positionnement et mon offre. J’étais convaincue qu’il y avait un vrai marché. Au début, j’étais dans mon salon avec une stagiaire. Et j’y suis restée jusqu’à ce que nous étions cinq ! Mais si je m’étais lancée dans ce truc, ce n’était pas pour rester dans mon salon. J’avais des vraies ambitions pour Smallable depuis le départ.


Est-ce que tu as toujours vu Smallable en grand ?

Oui. Biggable plutôt ! Je l’ai construite comme une vraie entreprise qui allait grossir. J’ai beaucoup bossé mon business plan avant le lancement, et notamment les différentes étapes. C’est important parce qu’une fois dedans, tu n’as plus le temps. Ca permet de garder sa vision et sa ligne directrice. C’est peut-être un des secrets pourquoi on a pris assez vite et pourquoi on dure aujourd’hui.

Je vois toujours Smallable comme j’ai envie qu’il soit, c’est à dire le site e-commerce mondial pour enfants. Rien n’a été construit par hasard en fait. Mais bon, la ligne pour y arriver n’a pas été tout droit...


Te souviens-tu du moment où tu t’es dit que le site allait marcher, le moment où tu as osé penser que ton rêve devenait réalité ?

Oui. A travers deux choses : grâce aux clients partout dans le monde (aux US, en Australie, au Brésil, à Hong Kong) qui aiment Smallable. Et puis quand je regarde autour de moi et je vois 20, 30 personnes qui travaillent chez Smallable. Tout cela peut être assez vertigineux finalement parce qu’on se dit, ok, il ne faut pas baisser les bras, il ne faut pas arrêter la.


Justement, comment tu affrontes les moments difficiles ? Comment tu gardes la motivation ?

Quand tu es entrepreneur, tu as des SUPER HAUTS et des SUPER BAS. Tu es libre mais tout dépend de toi. Pendant les bas, tu as intérêt à avoir le bon moral, le bon mental. Il ne faut jamais lâcher. Il faut se dire ok, c’est derrière moi, on avance, ça arrive, ça rend plus fort, c’est un mal pour un bien, on a appris.


Avoir un associé, qu’est ce que ça t’apporte ? (L’associé de Cécile est son mari, Pierre Rochand)

Je pense que c’est important de ne pas être seul. Ca permet d’avoir un ping-pong, de partager la vision. Moi, j’ai besoin d’échanger. Pierre est super complémentaire. On est très différent, on a des compétences différentes. Mais nous avons aussi une certaine intimité parce que nous sommes mari et femme, et ça nous permet de nous « rebooster » mutuellement. Pour moi c’est une force d’avoir fait ça avec mon mari. Mais bien, au début j’étais seule. Il m’a rejoint quand on a eu notre bébé. C’est à ce moment la que j’ai dit HELP !

(Interesting... Cécile a monté Smallable avant d’avoir son fils... C’est possible de s’intéresser à l’univers de l’enfant avant d’en avoir ? Oui, pour moi il suffit que j’aie de l’affinité pour un univers et un produit. C’était peut-être même un avantage parce que j’étais très objective.)


Comment tu vois la concurrence car je pense que nous pouvons constater que le marché d’aujourd’hui n’est pas le même qu’il était au moment du lancement de Smallable ?

Je n’ai rien inventé. Ce n’est pas comme si j’avais créé Facebook ! Mais c’est vrai que le terrain était assez vierge quand nous avons commencé. Après, si ca fait des petits, des émules, c’est normal. C’est même un bon signe. La bonne émulation, c’est sain et dynamique. Par contre, je dirai qu’il faut créer sa propre identité. Ce qui peut m’agacer parfois, c’est de voir les projets sans originalité, qui peuvent reprendre ce que nous (ou d’autres) avons fait, sans chercher à se créer une identité.


Qu’est ce qu’il y a en toi qui fait que Smallable est ce qu’il est aujourd’hui ?

Ce n’est pas plutôt à toi que je devrais poser la question ? (Rires - Avec Cécile devant moi, je me rends compte que le magazine de Smallable lui ressemble tellement. Je lui dis et elle explique que c’est justement leur ADN, l’essence de leur univers. Je pense que j’arrêterai de poser cette question... Je peux effectivement y répondre toute seule. Smallable ressemble à Cécile ! Je confirme !)


Quel serait ton conseil pour une fille qui se lance dans le Net aujourd’hui ?

J’en ai plusieurs. D’abord, bien préparer son projet. C’est fondamental. Bien s’entourer. Pas hésiter à parler de son projet. Je dirais aussi qu’il faut une grosse capacité de travail. Et du courage. Et de l’audace, bien sûr !


Le Net de demain pour toi, c’est quoi ?

Le physique viendra à l’aide du virtuel. Mais attention, je ne veux pas dire via une boutique. Le plus gros enjeux c’est d’arriver à recréer ce que tu peux trouver dans l’accueil et l’atmosphère d’une boutique, tout en étant sur le Net. Il faut que le client puisse se dire « je suis devant mon ipad sur le site de Smallable et c’est aussi bien que d’être dans une boutique. C'est tout aussi unique et intimiste. » On n’y est pas encore mais on y tend, on y tend !


Tes sites préférés ?

Net A Porter, même si je trouve qu’ils pourraient aller plus loin, surtout vers les créateurs qui ne sont pas anglo-saxons. J’adore le site First Dibs que je viens de découvrir. Je suis également des sites de contenu, d’éditorial, comme FabSearch ou celui de François Simon pour découvrir les restaurants ; et puis The Socialite Family ou The Glow parce que j’aime bien aller chez les gens ! J’aime bien ce qui m’inspire, ce qui me fait découvrir quelque chose.


Lis-tu des blogs ?

Pas vraiment. Enfin, ce n’est pas vraiment un blog mais je lis Business of Fashion. Je n’ai pas trop le temps donc je vais vers l’essentiel, vers les sites qui m’apportent vraiment quelque chose.


Un créateur préféré ?

J’en ai plein. J’aime bien Alexander Wang pour son côté minimaliste. Mais je peux aussi adorer les imprimés de Matthew Williamson par exemple, même si je ne les porte pas forcément. Surtout j’aime papillonner ! C’est comme le design nordique que j’adore même si je vais aussi être attirée par la petite fantaisie. J’aime la touche qui sort de l’ordinaire.


Une mémoire d’enfance ?

Je suis la dernière d’une famille de cinq filles. Je pense que c’est ce qui a forgé mon goût, ma sensibilité. Et ce qui a fait qu’il fallait que je me différencie. La nôtre est une famille assez artiste. J’ai baigné dans cet univers la. Par exemple je me souviens que toute jeune, j’ai pris la machine à coudre de ma mère et j’ai créé des robes. J’aime la création. J’ai une vraie sensibilité pour les produits. Et chez Smallable je dirais que ma force, c’est les achats, la mise en place de notre offre produits.


Chic ou geek ?

Je dirai les deux. Mais j’ai quand-même une grosse proportion de chic ! Et Smallable, c’est les deux.